Mon paradis perdu…

Une enfance algérienne. Oran 1954 - 1962

von

J’aurais pu être heureuse…

« Je dormais à côté des fées. Elles fleurissaient sur le rebord de la fenêtre de ma chambre au rez-de-chaussée de notre maison. Les „grands“ disaient que c’étaient seulement des fleurs, des fuchsias, mais avec ce nom, je savais qu’elles étaient extraordinaires.
D’ailleurs, elles me l’avaient dit… pendant mon sommeil. »
J’aurais pu être heureuse…
Mais je suis née le 9 mai 1954 à Oran, en Algérie française. Et je ne pouvais pas savoir qu’à peine six mois plus tard allait débuter la guerre pour l’indépendance.
Et puis ma grand-mère régnait sur notre famille en imposant sa tyrannie.
C’est pour m’échapper de la peur qu’elle m’inspirait que je trouvais une raison de vivre dans l’art, le piano, la danse et surtout l’écriture.
J’ai vu le ciel pur de mon enfance se charger d’ombres, d’inquiétudes, des nuages noirs des incendies, des rafales de mitraillettes.
Et la Méditerranée représentait la menace d’un exil qui nous guettait comme le Destin.
Le Destin s’est accompli et le paradis de mon enfance fut définitivement perdu.
J’ai dû attendre une cinquantaine d’années pour avoir la force d’affronter ces souvenirs.
Je suis toujours l’enfant devant une mer immense, appuyée sur un arbre mort en face de l’Histoire.